jeudi 22 septembre 2011

LE GENIE CULTUREL BANTU DANS LES CONTES NEGRES DE CUBA : De la politique à l'anthropologique

L’on peut penser qu’il s’agit là de traduction directe de contes relatés par des anciens esclaves, originaires de l’Afrique centrale, hors il n’en est rien. Disons que ce sont des monographies, des récits que l’auteur s’est appropriés puis retranscrits ou/et reconstruits.

Les contes de Lydia CABRERA retiennent notre attention, tant sur le plan structurel que celui du contenu ; il est vrai que l’intérêt d’un lecteur africain ne saurait être celui d’un occidental.

            A l’origine, les contes que nous propose l’auteur cubain sont dits en langue bantu. Puis une fois en Amérique, les esclaves ont appris la langue de Cervantes ; ce qui leur a permis la traduction, la transmission et la sauvegarde des dits contes.  Et c’est pour cette raison que le lecteur africain pourra noter comme une espèce que confusion, d’amalgame, car bien que présentés dans  la langue espagnole, ce sont des textes qui ont la structure  des récits oraux, voire la structure des épopées bantu. D’ailleurs Fernando ORTIZ, pionnier dans l’étude de la présence historique et culturelle à Cuba de l’afro-cubain à travers son folklore, corrobore nos dires :

« No hay que olvidar que estos cuentos vienen a las prensas por una colaboración, la del folklore negro con su traductora blanca. Porque también el texto castellano es en realidad una traducción, y, en rigor sea dicho, una segunda traducción. Del lenguaje africano (yoruba, ewe o bantú) en que las fábulas se imaginaron, éstas fueron vertidas en Cuba al idioma amestizado y dialectal de los negros criollos. Quizá la anciana morena que se las narró a Lydia ya las recibió de sus antepasados en lenguaje acriollado. Y de esta habla tuvo la coleccionista que pasarlas a una forma legible en castellano, tal como ahora se estamparán. La autora ha hecho tarea difícil pero leal y, por tanto, muy meritoria, conservando los cuentos su fuerte carácter exótico de fondo y de forma. [1]

Nous nous sommes permis de dire que les contes que nous offrent Lydia CABRERA constituent des monographies dans la mesure où ils sont considérés comme des matériaux  riches,  importants, à partir desquels tout chercheur peut contribuer à la science. Des matériaux qui redonnent vie et vigueur à la tradition orale africaine; alors comme l’affirme Rex NETLEFORD «  il n’est plus question de survivances, de vestiges, d’héritage africains, mais, de la présence africaine qui agit comme levain. »[2]

Mais il est également vrai que notre étude, le génie culturel bantu dans les contes nègres de Cuba, se fonde sur une préoccupation, ou encore sur un malaise que nous éprouvons à chaque fois que nous lisons les ouvrages qui légitiment  l’Afro-cubain, surtout au XX siècle.

« … Estos cuentos afrocubanos, aún cuando todos ellos están cundidos de fantasía y ofrezcan entre sus protagonistas algunos personajes del panteón yoruba, como Obaogó, Ochosí, no son principalmente religiosos. Los más de los cuentos entran en la categoría de fábulas de animales, como las que antaño dieron su fama a Esopo, y contemporáneamente a las afroamericanas narraciones del Uncle Remus, que son tan populares entre los niños de los Estados del Sur. El tigre, el elefante, el toro, la lombriz, la liebre, las gallinas y, sobre todo, la jicotea. A veces la pareja jicotea-venado, o tortuga-ciervo, cuyas contrastantes personalidades, constituyen un ciclo de piezas folklóricas muy típicas de los yorubas, donde la jicotea es el prototipo de la astucia y la sabiduría, venciendo siempre a la fuerza y a la simplicidad.”[3]

Cette seule citation nous servira d’exemple. Plusieurs passages dans des ouvrages africanistes préfèrent mentionner « les noirs », ou dans ce cadre précis de Cuba, les afro-cubains pour parler des afro-descendants. Pour nous, cela est dû simplement au fait que ces écrivains, folkloristes, anthropologues ou ethnologues ne font pas de différence entre l’Afrique de l’ouest (yorubas) et l’Afrique centrale (Bantous). En un mot, c’est la méconnaissance de l’Afrique.

Aussi, Le Génie culturel bantu dans les contes nègres de Cuba s’inscrit  dans une ligne de recherches qui a pour motivation de légitimer l’apport, la présence de l’Afrique centrale (les bantou) dans la culture cubaine.  L’histoire attribue à tord beaucoup d’éléments culturels bantou à la culture yoruba par méconnaissance de l’Afrique, par ignorance de son histoire et de sa culture. Aussi nous devons remettre les évènements dans leur contexte et renverser cette tendance fausse qui pense que «  la mayor parte de los cuentos negros coleccionados por Lydia CABRERA son de origen yoruba.»[4]

En  lisant Les contes nègres de Cuba de Lydia CABRERA, tant au niveau de la forme que du contenu, c'est-à-dire la trame des récits, les lieux  diversifiés de l’imaginaire africain, les forces vitales, les génies, les animaux et enfin les protagonistes humains ; l’on peut facilement se rendre compte qu’ils appartiennent essentiellement à l’espace culturel bantou. Et pour mener à terme notre étude nous proposons au lecteur, dans une première partie, le contexte politique et idéologique des contes nègres de Cuba. La deuxième partie établit le lien entre la politique et l’anthropologie ; quant à la troisième partie, nous nous attelons à démontrer la présence de l’esprit bantu du centre équatorial dans l’œuvre dite d’imagination de Lydia CABRERA.

I/ Contexte politique et idéologique

Cette partie a pour objectif d’édifier le lecteur sur la naissance des contes nègres de Cuba, autrement dit le contexte politique et idéologique situe le lecteur dans la prise en compte de l’afro-cubain comme sujet, comme personne, comme citoyen cubain ayant non seulement une histoire mais aussi une culture bien intégrées dans celle cubaine ; une culture qui symbolise la mémoire raciale préservée dans sa forme la plus profonde.

La présence de l’Africain en terre américaine n’est plus à démontrer, particulièrement celle de l’africain équatorial à Cuba. L’histoire nous enseigne qu’au XIX siècle, la forte affluence des esclaves noirs enregistrés sur l’île de Cuba provenait de l’Afrique subsaharienne. Abondant dans ce sens, l’historien français Marc FERRO confirme que «  le Biafra, le Golfe de Guinée, l’Angola devinrent au XIX siècle, avec le Congo, les principaux pourvoyeurs ».[5]

Parlant des îles Fernandes, dans le golfe de Guinée,- elles sont situées sur la partie littorale du Cameroun et sont constituées de Annobón, Fernando Po y Corisco, en Guinée équatoriale- l’historien français Max LINIGER GOUMAZ affirme dans Brève histoire de la Guinée équatoriale (Paris. L’Harmattan, 1988) qu’ au  XIX siècle l’île de Fernando Po était devenue un centre de trafic très important dans la traite des africains, centre à partir duquel des milliers d’esclaves, de plusieurs groupes ethniques sont partis :

-les Bamiléké : ils peuplaient le littoral du Cameroun où ils avaient fondé au XVII siècle un important royaume. Ils se singularisaient par leur croyance en un Dieu unique.

- les Bamun : ils étaient autour du lac Tchad

-les Duala : Peuple organisé, ils pratiquaient le commerce.

-les Bubi : de la signification de leur nom, ils s’adonnaient à la pêche, à la chasse et à la culture de l’igname. Ils pratiquent leurs  cérémonies religieuses dans la forêt, croient aux bons et mauvais esprits.

-les  Pahouin (fang).

En Afrique centrale, l’activité du commerce des esclaves était également à son apogée. A cet effet, il y avait deux principaux ports ; le port de Mayumba et le port de Sao Joao de Luanda. Donc, les bantu ont été importés en masse dans les Antilles hispaniques, embarqués dans des ports à partir du Golfe de Guinée et du royaume de Loango,  pour travailler dans les plantations de canne à sucre au  XIX siècle et Ade AJAYI de renchérir : « au milieu du XIX siècle, l’Afrique centrale était devenue une grande pourvoyeuse 
d’esclaves. »[6]

Mayumba est une région que partagent le Gabon et le Congo, tandis que Luanda est dans l’île de Cuanza, au nord de l’Angola. Le lecteur doit avoir à l’esprit qu’au XIX siècle, les découpages géographiques actuels n’existaient pas. L’Angola, le Gabon, la République démocratique du Congo et le Congo  sont l’émanation en 1880 du grand royaume du Loango démembré,  à prédominance vili ( le vili étant une langue et le groupe ethnique le plus important du royaume).

Nous pensons qu’il était opportun de faire ce bref rappel historique, car tous ces détails aideront à reconnaitre les éléments culturels bantu dans les contes nègres de Lydia CABRERA, lorsqu’il s’agira de notre troisième partie.

Toutefois, d’où viennent les contes nègres de Cuba ?

Les contes nègres sont reconstruits dans un contexte politique et idéologique bien précis à Cuba. De prime abord, l’on peut penser à la sauvegarde des valeurs traditionnelles. En effet, dans les années 20, 30, 40 naissent deux mouvements culturels apparentés : la négritude, tributaire du mouvement né aux Etats-Unis appelé « Harlem Renaissance » et le négrisme un mouvement des Caraïbes hispanophones. Tandis que la négritude se définit par Aimé  Fernand CESAIRE (poète et homme politique martiniquais) et Léopold Cédar SENGHOR (poète et homme politique sénégalais), considérés patriarches du mouvement,  comme  la reconnaissance d’être noir ; une simple reconnaissance qui implique « acceptation », prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture.

A Cuba le mouvement est différent et plus profond, tant les objectifs sont précis. Il ne s’agit pas d’un simple mouvement littéraire ou l’homme noir se trouve sujet, ou héros. On y parle de « négrisme », d’ « afrocubanité ». A Cuba, la majorité du peuple est d’origine africaine et les intellectuels qui se sont appropriés ce mouvement, à l’instar des poètes tel que José MARTI, des folkloristes tel que Fernando ORTIZ et des anthropologues telle que Lydia CABRERA, mènent un combat pour l’affirmation de la culture nègre et métisse, donc contre la discrimination raciale.

Cuba, depuis l’introduction de force des esclaves d’origine africaine, est une longue tradition de diversité culturelle, diversité qui est basée sur un métissage des hommes et des cultures et dont la prise en compte est devenue un combat permanent pour les intellectuels cubains qui pensent que « el camino patriótico a seguir no era la separación sino, por el contrario, la unificación de todos los cubanos de todos los colores en un solo esfuerzo democrático y progresista . [7]

La même idée est contenue dans cette citation :

« … La paz pide los derechos comunes de la naturaleza; los derechos diferenciales, contrarios a la naturaleza, son enemigos de la paz. El blanco que se aísla, aísla al negro. El negro que se aísla, provoca a aislar al blanco… Hombre es más que blanco, más que mulato, más que negro. Cubano es más que blanco, más que mulato, más que negro. En los campos de batalla muriendo por Cuba, han subido juntas por los aires, las almas de los blancos y los negros.”[8]

Dans un contexte socio-politico-idéologique de lutte contre les préjugés sur les noirs, de lutte contre la discrimination raciale, Lydia CABRERA devient le porte parole des traditions et cultures d’origine africaine. Influencée par le poète martiniquais dont elle a traduit une œuvre, El retorno  al país natal, elle s’engage à transcrire la tradition orale africaine bantu présente sur l’île, qu’elle s’est intériorisée, puis à la diffuser ; c’est la façon qu’elle à choisi de transmettre ces contes, proverbes, légendes et mythes aux générations futures. Car elle fait partie de ceux qui pensent que la diffusion de la culture est une conquête du progrès moderne. Et  pour marquer son engagement, l’auteur cubain déclare ce qui suit :

« … El peso de la influencia africana en la misma población que se tiene por blanca, es incalculable, aunque a simple vista no pueda apreciarse. No se comprenderá a nuestro pueblo sin conocer al negro. En los trabajos de investigación folklórica, ha sido mi propósito ofrecer a los especialistas, con toda modestía y la mayor fidelidad, un material que no ha pasado por el filtro peligroso de la interpretación, y de enfrentarlos con los documentos vivos que he tenido la suerte de encontrar. Me he limitado rigurosamente a consignar con absoluta fidelidad y sin prejuicio lo que he oído y lo que he visto.”[9]

Tous ces aspects prouvent au lecteur que la littérature cubaine contemporaine est dominée par une prise de conscience  du négrisme. Lydia CABRERA, qui fait partie de la nouvelle république, affirme haut et fort la grandeur de l’histoire et de la civilisation noire face aux « européens cubains » qui les avaient dévalorisés. Voilà comment de la politique elle passe à l’anthropologie.

II/ De la politique à l’anthropologie

Le XX siècle est marqué à ses débuts par une multitude de textes littéraires,  soit d’un point de vue folkloriste, soit  anthropologique. Lydia CABRERA, dont les contes constituent notre objet d’étude, fait découvrir une œuvre intemporelle. Elle ne se contente pas d’observer les afro-descendants, elle s’intègre dans leur cohésion sociale, s’imprègne de leur philosophie, mieux elle s’identifie à eux : « … Allà  por el año 1927, cuando yo andaba cazando documentos para mi Ecué Yamba-ó, recuerdo haberme tropezado con Lydia CABRERA en un juramento ñáñigo celebrado en plena manigua, en las cercanías de Marianao”[10]. C’est une déclaration de l’écrivain cubain Alejo CARPENTIER .

Dans les trois recueils de contes de Lydia CABRERA, le lecteur va à la rencontre de la complexité, de la beauté et de la spécificité du monde noir. L’auteur choisi de transcrire les contes, les proverbes, discours qui dévoilent les traditions africaines et la psychologie de son peuple. La tradition du conte, en Afrique est toute une école, étant donné le caractère oral de leurs enseignements. L’enseignement du conte requiert la subtilité de l’esprit et fait travailler la mémoire, non seulement de manière collective, mais aussi individuelle. Comme le proverbe, le conte est toujours relaté par des personnes âgées, ce qui renforce et renouvèle le lien à la fois sacré et chaleureux qui existe entre ces personnes âgées et les enfants, personnes âgées qui souvent sont des grands parents.

Dans la société africaine, ce sont les grands parents qui se chargent de l’éducation des petits fils et surtout de leur protection. L’éducation réside en grande partie dans la  transmission de la tradition, cette tradition qu’ils ont eux même reçu de leurs grands parents et où la parole est le vecteur essentiel. La parole étant le premier élément de la communication, communication qui établit  la communion, de ce fait l’harmonie.

A la réflexion faite, nous pouvons dire que le conte, dans sa portée didactique, n’est pas différent du proverbe ; les deux se complètent. Car le conte peut soit précéder le proverbe, soit le succéder. C’est d’ailleurs ce que Lydia CABRERA a fait dans ses recueils : dans le premier recueil de contes (Cuentos negros de Cuba), l’auteur relate les histoires et laisse le soin au lecteur d’en tirer une leçon de morale ; tandis que dans le deuxième recueil ( Por qué), l’auteur commence par un proverbe suivi d’un conte qui explique et aide à la compréhension du proverbe dont il s’agit. La différence, s’il y en a une, se situerait au niveau de la structure de la parole ; la structure du conte est plus longue mais  celle du proverbe est condensée ; elle se tient en quelques mots.

Le conte et surtout le proverbe ont alimenté des études, anthropologiques et ethnologiques en Afrique même, menées par des auteurs tels que TRILLES, LARGEAU, Pierre ALEXANDRE et Jacques CHEVRIER. Il faut le préciser, ce sont des études menées sur un peuple d’Afrique centrale( les pahouin) dont la parole semble organisée socialement.

A propos des proverbes, Pierre ALEXANDRE dira :
«  C’est un bon exemple d’un phénomène typique de cette partie de l’Afrique, à la base de toute la culture, de toute l’éducation traditionnelle, dans la mesure où il s’agit en effet de fixer et d’interpréter le sens des usages.[11]

Le conte comme le proverbe instruisent sur les attitudes et les règles de conduite adaptées aux circonstances de la vie. Ils sont le témoignage de la philosophie et de la sagesse africaine. C’est à cause de leur fonction sociale que le conte et le proverbe nègre ont survécu à Cuba.

Grâce à Lydia CABRERA, l’on peut se rendre compte que les africains possèdent un fond culturel jusque là insoupçonné, fond culturel riche d’un imaginaire original.

Dans ces contes transcrits, l’auteur aborde des thèmes variés : la présence de la forêt et des rivières, le sacrifice de la femme, la psychologie des femmes.

III/ Présence de l’esprit bantu du centre équatorial dans l’œuvre de Lydia CABRERA

Nous n’oublions pas que notre motivation première, quand à l’analyse  que nous faisons ici, est de montrer clairement que dans les œuvres de Lydia CABRERA l’apport de l’Afrique centrale et donc bantu est plus important et plus présent que tout autre apport.

L’auteur retient trois catégories de personnages : l’humain, le végétal et le bestial. Au niveau de l’humain, les protagonistes portent des noms tels que Dingá, Eyá, Arere, Chegue…Tout habitant de l’Afrique centrale reconnaitrait que Dinga, ou Ndinga, est un nom très courant. C’est valable pour les autres noms.

Au niveau des bêtes, nous remarquons que là aussi l’auteur ne cite que les animaux de la forêt dense, des habitués des contes d’Afrique centrale : le tigre, la tortue, l’éléphant, la poule.

Les images animalières  expliquent la proximité avec les humains et rappellent au lecteur avisé que de nombreux contes, d’origine africaine, prennent prétexte de l’observation du monde animal.

Autres éléments présents dans les textes de l’auteur cubain et qui font référence à l’esprit bantu  sont : les génies, le chiffre 7, les activités de cueillette, de chasse et de pêche.

En effet, le conte intitulé « Tatabisaco » met en évidence l’existence d’un génie et surtout de la trilogie eau, génie, sacrifice.

« Las mujeres se iban desde muy temprano a laborar la tierra. Sembraban maní, ajonjolí, arroz, yuca y ñame. Los hombres a cazar. Esta mujer labraba ella sola su campo en una margen de la laguna. Tenía un hijo de pocos meses que se llevaba atado a la espalda… El sol empezaba a caerle a borbotones, en plena cara, al negrito; lo invadía todo abrasando. Lo picaban los mosquitos…Lloraba todo el día. La madre nunca interrumpía su faena. El Amo Agua de la Laguna tuvo compasión del hijo de aquella mujer.”[12]

L’histoire indique que le génie, Tatabisaco, demande à la femme de lui donner son enfant. Il en prendra soin le temps que la femme travaille. Seulement, sans le savoir la femme commet une maladresse et le génie qui demande réparation, donc un sacrifice, décide de ne pas rendre l’enfant à la femme et le garde sous l’eau. Après un sacrifice de douze chèvres, le génie décide enfin de rendre l’enfant. Ainsi le lecteur peut témoigner de la relation qui existe entre les êtres  humains et les génies de l’eau, l’eau étant une richesse en Afrique centrale.

Le conte «  Ncharriri » commence ainsi :

« Ncharriri quería bellas doncellas por esposas. Cada siete años Ncharriri salía de su cueva y una noche negra descendía la calle en que vivía la jovencita más bella de aquel pueblo. Cada siete años, cuando el pueblo dormía sepultado bajo un sueño de piedra, una jovencita lo esperaba en la ventana.”[13]

Pour ceux qui connaissent l’histoire du royaume de Loango, et d’après le rappel fait par Gervais LOEMBE, il est aisé de s’y retrouver. Dans le royaume du Loango, le choix du roi était fait sur une large consultation, car il était un personnage clé et son rôle à l’image de la conception dualiste que le peuple avait de la vie et de l’univers. Le roi était élu pour une durée de sept ans, sept années au cours desquelles le roi subissait des épreuves de plusieurs natures telles que dormir des mois durant avec  une belle et gracieuse jeune vierge, sans consommer son union, ceci pour éprouver ses capacités morales. Sans oublier que le royaume de Loango comptait sept provinces.

Dans ses récits, Lydia CABRERA n’oublie pas la chasse et la pêche, principales activités nourricières des peuples d’Afrique centrale. Nous pouvons lires des passages comme « Cheggue caza en el monte con su padre. Aprende a cazar. »( C.N p 53)  Ou « …Pero el jefe tenía a aquel hombre en mucha estima. Era un buen cazador; nunca volvía de la selva con las manos vacías. Sabía atraer a los animales. Comprendía su idioma.  Conocí el origen, las trastiendas de cada uno ; y el canto que los cautiva de antemano.”(C.N p 139).

Ce dernier passage montre la place qu’occupe le chasseur dans une communauté qui vit des produits de la chasse. On ne s’improvise pas chasseur, il faut appartenir à une tradition de chasseur. C’est le chasseur qui pourvoie les villages en viande ; ce qui fait d’eux des pères nourriciers. La nature est un grand livre de connaissances que le chasseur sait lire.

Il ya quasiment absence du lièvre qui est réellement un élément clé des contes de la savane, donc des yoruba. 
Il est vrai qu’en y pensant, el monte peut symboliser la savane. Mais la traduction du titre nous renvoie encore une fois en Afrique centrale : La forêt et les dieux.

Il est vrai que ce n’est pas dans cette seule étude que nous allons faire ressortir toute la présence bantu, toutefois nous aimerions, avant de terminer, faire ressortir un élément fondamental des contes africains : le merveilleux.

Pour preuve, il est écrit ceci dans le conte «  La loma de Mambiala » :
« No era secreto en el pueblo, que el negro Serapio Trebejos estaba dispuesto a todo, menos a ganarse la vida trabajando…Lloró Serapio, implorando a dios y a Mambiala. Estaba ya rendido, pero antes de abandonar una última esperanza, se hincó de rodillas y alzó los brazos al cielo. Cuando, después de haber llorado contra el suelo todas las lágrimas de sus ojos, se incorporó para marcharse, vio a su lado una cazuelita de barro roja.”[14]

Una cazuelita que habla y que cocina todas las comidas sin que alguien ponga algo en ella.

Cette pratique discursive est une caractéristique des épopées africaines, surtout des récits d’Afrique centrale, comme nous pouvons le vérifier dans cette épopée de nvet d’un conteur de la Guinée :

« Quien se llama en Engong, Ntutum Eyaga, de la casa de Enwang de las tribus vivas, mandó una carta a su difunta madre, al mundo de los muertos. La carta llegó al otro mundo y encontró a los muertos de los Ecang reunidos en la casa de la palabra. Vieron la carta. La madre de Ntutum dijo: dios mío, mi hijo me manda desde Ecang la petición de que le envíe algo que sea extraño entre los Ecang. Algo que, al verlo, hasta las tribus de las orillas del río Bingara exclamen: esto sí que es una cosa extraña. La madre escribió a su hijo diciéndole que la esperara a altas horas de la noche, que no se durmiera pronto…La noche llegaba a su mitad. Cuando levantó la vista, su madre entró y se acercó con la mano cerrada…Salieron fuera, doblaron la esquina de la casa. La mujer levantó la mano en una dirección. Las hierbas y los árboles que habían en ese lugar se apartaron y se metieron en el bosque. Después tiró lo que tenía en la mano. Apareció un pozo enorme, donde, se tiran la red, salen trozos de pescado cocinado.  Con sal, picante y cebolla.”[15]







CONCLUSION


“ La culture n’est pas une idée abstraite comme le rappelait Louis ALTHUSSER en parlant de l’idéologie, la culture ne possède pas une existence idéelle, elle existe à travers ses manifestations concrètes, à savoir le langage et les diverses pratiques discursives, un ensemble d’institutions et de pratiques sociales, sa forme particulière de se reproduire sur les sujets.”[16]

Ce rappel de la nature de la culture nous fait prendre conscience sur la considération que nous avons des contes nègres de Cuba. Ce sont des textes, des récits ouverts à une pluralité d’études. Lydia CABRERA, à travers les contes nègres de Cuba, atteste de la présence présente des afro-descendants à Cuba, pas une présence que le touriste peut seulement constater au niveau de la peau. Pour elle l’afrocubanité n’est pas un simple mouvement de mode, c’est une véritable libération de Cuba, une réelle lutte engagée en faveur d’une reconnaissance et légitimation de la force et vitalité des cultures bantu.

L’Africain déporté à Cuba au XV siècle a su implanté sa psychologie, ses institutions sociales, son langage, ses pratiques discursives, et qui aujourd’hui continuent d’être en vigueur.

  
BIBLIOGRAFIA

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                           _ Por qué… Cuentos negros de Cuba. Madrid, Colección del Chicheruku, 1972.
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[1] Fernando ORTIZ; cité dans Cuentos negros de Cuba. Barcelona, Icaria, 1989, pp 32-33.
[2] Rex NETLEFORD; Politique Africaine, Revue n°15. Paris, Karthala, 1984, p20.
[3] Fernando ORTIZ; Cuentos negros de cuba, op cit, p 33.
[4] Lydia CABRERA ; ibid p.34.
[5] Marc FERRO, Le livre noir du colonialisme. XV-XX siècle : de l’extermination à la repentance. Paris, Nathan, 1995, p255.
[6] Ade AJAYI ; Unité et diversités du monde Bantú in Obenga Théophile : Les peuples bantu, migrations, expansion et identité culturelle. Tome 1. Libreville, l’Harmattan, 1985, p106.
[7] Jorge, Isabel CASTELLANOS, Cultura afrocubana, tome II ( el negro en Cuba,1845-1959). Miami, Ediciones Universal, 1990, p.327.
[8] José MARTI, cité par Jorge, Isabel CASTELLANOS; idem, p.284.
[9] Lydia CABRERA; Cuentos negros de Cuba. Op.cit, p.18.
[10] Lydia CABRERA ; Cuentos negros de Cuba. Op.cit, pp17-18.
[11] Jean-Emile MBOT ; Ebughi bifia. Paris, L’hArmattan, 1975, p.18
[12] Lydia CABRERA; Cuentos negros de Cuba, op.cit, p136.
[13] Lydia CABRERA ; Ayapá, cuentos de jicotea. Miami, Ediciones universales, 1971, p.51.
[14] Lydia CABRERA; Cuentos negros de Cuba. Op.cit p.114.
[15] Gregorio EYI NCOGO; El extraño regalo venido del otro mundo. Madrid, Centro cultural hispano-Guineano, 1995, pp23-27.
[16] Edmond, CROS;  El sujeto cultural- Sociocrítico y psicoanálisis. Buenos aires, Ediciones Corregidor, 1997, pp. 9-10.

1 commentaire:

  1. merci pour l'édification. si on pouvait avoir un NDONG OU UN KOUMBA A cuba cela aurait été mieux. loooool !!!!

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